L’hépatite B aiguë « simple » ne se traite pas. L’hépatite fulminante requiert la transplantation. Le but du traitement de l’hépatite chronique B est la suppression de la réplication virale, si possible avant que le stade de cirrhose ne soit atteint. Seule la phase réplicative mérite donc une thérapie particulière.
Le traitement a pour but de faire disparaître le virus, et donc l’ag HBs au profit de l’anticorps anti HBs, but rarement atteint. Alors on cherche à stopper la multiplication virale afin de diminuer l’activité de l’hépatite chronique et d’accélérer le passage à la phase de porteur inactif du virus. La séroconversion HBe (disparition de l’ag HBe et apparition de l’anticorps anti-HBe) est un critère important, mais elle survient parfois tardivement. Plusieurs médicaments sont utilisés.
L’interféron
L’action de l’interféron (IFN) est d’abord antivirale, il inhibe I’ADN du virus et active les enzymes antivirales. Elle est aussi immunomodulatrice, il augmente l’activité de certaines cellules du système immunitaire. L’action antivirale du traitement se vérifie par la diminution de la charge virale dès les premières semaines. L’action immunomodulatrice, elle, se traduit souvent par une augmentation des transaminases (en général au bout de 2 mois). Ce qui montre l’accroissement de la réponse immunitaire et augmente les chances d’éliminer le virus. A ce stade, il peut se produire une élévation temporaire de l’inflammation hépatique et de la nécrose, due à l’élimination des cellules hépatiques infectées. Quand le traitement marche, les transas se normalisent au bout de quelques mois et l’état du foie s’améliore. L’efficacité se confirme par la négativation de l’ag HBe et l’apparition d’anticorps anti-HBe. A plus long terme, une guérison totale, confirmée par la séroconversion ultérieure de l’AgHBs avec apparition de l’anticorps anti HBs est parfois obtenue, elle peut être favorisée par un traitement prolongé. Le traitement est plus efficace au cours de la période de réaction immunitaire. L’IFN entraîne alors une réponse dans 50 % des cas environ. Par contre, en phase de tolérance immune, le traitement est peu efficace. Contrairement aux autres médicaments utilisés, l’IFN présente l’avantage d’être administré sur une courte période, de ne pas provoquer de résistance et, lorsqu’il est efficace, d’induire une séroconversion prolongée chez 80 à 90 % des malades. Son principal inconvénient est relatif à la tolérance, les effets secondaires sont importants. Dans 20 % des cas, il faut réduire la dose, dans 5 % des cas, on arrête le traitement. En outre, l’IFN est formellement contreindiqué dans un certain nombre de cas (cirrhose décompensée, troubles psychiatriques, etc.).
Auparavant, seul l’IFN standard était proposé contre l’hépatite chronique B, désormais, l’IFN pégylé lui est préféré. Plus facile d’utilisation, il est plus efficace et accroît les chances de séroconversion HBe (37 % avec l’IFN peg contre 25 % avec l’IFN standard).
La lamivudine
La lamivudine (Zeffix® ou Epivir® pour les coïnfectés VIH) est le premier antiviral à avoir été proposé comme alternative à l’IFN. Elle se présente sous la forme de comprimés et présente plusieurs avantages par rapport à l’IFN. Son effet antiviral est rapide (normalisation des transas, diminution de l’activité de l’hépatite et de la fibrose) et sa tolérance est bonne. Mais, à l’arrêt du traitement, la réactivation de l’hépatite est quasi constante en l’absence de séroconversion HBe. Les chances de séroconversion HBe sont faibles : 20 % après un an. Si l’on prolonge le traitement dans l’espoir d’obtenir cette séroconversion, on augmente le risque de provoquer l’apparition de souches virales résistantes associées à une rechute. La fréquence d’apparition d’un VHB résistant est de 24 % après un an de traitement, elle grimpe à 38 % après 2 ans, 50 % au bout de 3 ans, 67 % au bout de 4 ans.
Lorsque l’antigène HBe disparaît au profit de l’anticorps anti-HBe, on poursuit le traitement pendant 3 à 6 mois au minimum afin de diminuer le risque de réactivation. En l’absence de séroconversion HBe, il est conseillé de poursuivre le traitement tant qu’il n’y a pas de résistance virale. Si une résistance apparaît, on peut passer à l’adéfovir, en respectant une période de chevauchement de 3 mois.
L’adéfovir
L’adéfovir dipivoxil (Hepsera®) se présente sous la forme de comprimés. La séroconversion HBe avec l’adéfovir dipivoxil est peu efficace, 12 % seulement. Il entraîne, dans la moitié des cas, une normalisation des transas et une amélioration de l’état du foie et il est très bien toléré. Il peut donc être prescrit sur de longs temps car il provoque peu de résistances. Après un an de traitement, il n’a pas été noté de mutant résistant. Après 2 ans, on observe une résistance dans 6 % des cas, après trois ans : 11 %. Au bout de cinq ans, le taux est de 28 %. Il est efficace sur les virus résistant à la lamivudine et peut donc être utilisé en remplacement de celle-ci en cas de virus mutant résistant. La durée du traitement n’est pas clairement établie. En cas de séroconversion HBe, il est recommandé de poursuivre le traitement pendant 3 à 6 mois pour diminuer le risque de réactivation à l’arrêt. En l’absence de séroconversion HBe, ou dans le cas d’une hépatite négative pour l’ag HBe, il est recommandé de poursuivre le traitement car en cas d’arrêt, il y a rechute.
L’entécavir
Déjà autorisé aux Etats-Unis, l’entécavir (Baraclude®) a obtenu une AMM européenne et devrait être mis sur le marché français fin 2006. Sa posologie est d’un comprimé par jour et sa tolérance est bonne (presque pas d’effets secondaires). Plus efficace que la lamivudine ou l’adéfovir, il négative la charge virale dans 90 % des cas. Cependant, il n’entraîne une séroconversion HBe que dans une minorité de cas (et, exceptionnellement, une séroconversion HBs) et le traitement doit être prolongé. Comme l’adéfovir, l’entécavir est efficace sur le virus de l’hépatite B résistant à la lamivudine, mais il doit alors être utilisé à une dose plus forte.
A quel stade commencer le traitement
Le traitement est plus efficace au cours de la période de réaction immunitaire (charge virale modérée, transas élevées et lésions d’activité marquées). Il a ainsi été montré que, lorsqu’un traitement est démarré au cours d’une période de réactivation de l’hépatite chronique B, les chances de réponse précoce sont plus grandes (3,5 fois plus, en moyenne), que lorsqu’on le démarre lors d’une période peu active. Or une réponse précoce est considérée comme un facteur important de réussite à long terme d’un traitement.
Le moment idéal pour débuter un traitement pourrait être défini par une charge virale modérée (inférieure à 10 millions de copies d’ADN VHB), une élévation des transas (ALAT) supérieure à 100 et une fibrose modérée ou sévère (A2 ou A3).
Hépatite chronique B à virus mutant
Avec l’IFN standard, les experts recommandent de traiter plus longtemps les hépatites B à virus mutant (négatives pour l’ag HBe) plus d’un an, au lieu de six mois. L’interféron pégylé n’a pas été formellement évalué que sur des durées d’un an, c’est donc la durée officielle de référence. Pour les autres médicaments, le fait que l’antigène HBe soit, ou non, positif au début du traitement ne change pas la démarche. Avec la lamivudine, l’adéfovir ou l’entécavir, les résultats et les taux de résistance sont identiques dans les hépatites chroniques B à antigène HBe positif ou négatif
Résistance au traitement
Il est inutile de continuer un traitement générant un virus mutant résistant. Il faut changer de médicament car l’hépatite risque de rechuter. L’apparition d’une résistance virale est définie par l’augmentation d’un facteur 10 (1 log) de la charge virale par rapport à la charge virale la plus basse obtenue au cours du traitement. On considère alors que la souche mutante est devenue dominante et que la proportion des hépatocytes infectés par cette souche est devenue importante. La résistance risque surtout d’apparaître si la charge virale reste détectable. Très rare lorsque la charge virale est indétectable, car si la multiplication du virus est bloquée, il ne peut pas muter. Par génotypage du virus, on peut voir que la résistance est bien due à l’émergence d’une souche virale mutante. Cette résistance peut être détectée avant même que n’ait lieu la percée virale. Il existe une période de latence de trois à six mois au cours de laquelle des souches mutantes peuvent être détectées, alors que la charge virale n’a pas encore augmentée. Cette information est utile pour contrôler la réplication de la souche résistante et prévenir les risques d’aggravation de l’hépatite. Lorsqu’une résistance est mise en évidence au cours d’un traitement par lamivudine et que l’on décide de recourir à l’adéfovir, on fait se chevaucher les deux traitements pendant au moins trois mois, le temps que l’adéfovir soit efficace. Mais lorsque la maladie est sévère (avec une fibrose au stade F3 ou F4), il est conseillé de continuer la bithérapie indéfiniment.
L’entécavir est, lui aussi, efficace en cas de résistance à la lamivudine, mais il l’est un peu moins et doit être utilisé à des doses plus fortes. Son efficacité, en cas de résistance à l’adéfovir, reste à étudier.
Les nouvelles molécules bientôt disponibles
Parmi les nouveaux médicaments en cours d’évaluation, on peut citer :
- l’emtricitabine (Emtriva®), proche de la lamivudine, et également efficace dans le traitement des infections à VIH, mais dont l’efficacité ne semble pas vraiment supérieure à celle de la lamivudine ou à l’adéfovir ;
- le ténofovir (Viréad®), aussi utilisé contre le VIH, voisin de l’adéfovir, il pourrait être plus efficace que ce dernier, avec encore moins de résistances ;
- la telbivudine, dont les premières études suggèrent une efficacité plus grande que la lamivudine, que ce soit en termes de normalisation des transaminases ou de diminution de la charge virale, les essais en cours permettront de mieux préciser son efficacité et la fréquence des résistances ;
- la clévudine, qui semble efficace pour diminuer la charge virale avec une bonne tolérance, mais les études sont moins avancées que pour la telbivudine.
Même si ces antiviraux utilisés en monothérapie n’ont pas une efficacité très supérieure aux traitements actuels, leur disponibilité permettra le développement de multithérapies adaptées à chaque malade, et permettra de prévenir l’apparition des résistances. Une autre piste de recherche porte non plus sur la lutte contre les virus, mais sur les moyens d’enrayer le développement de la fibrose hépatique (voir l’article sur les antifibrosants Jds n° 187).
Enfin, les chercheurs étudient la vaccinothérapie. Il s’agit de provoquer une réponse immunitaire chez les malades atteints d’hépatite chronique B en les vaccinant contre ce virus, ce qui, en théorie, pourrait soit accélérer la réponse naturelle (et la séroconversion), soit améliorer la réponse au traitement. La vaccinothérapie ne fonctionne pas avec les vaccins actuels. Des « supervaccins », spécialement prévus pour cet usage, semblent plus prometteurs.
Coïnfection avec le virus de l’hépatite C
Lorsque les deux virus sont présents dans l’organisme, le plus souvent, le virus de l’hépatite C prend le pas sur l’hépatite B. La réplication du premier est forte et celle du second est faible. Dans ce cas, on traite la coïnfection VHB/VHC comme on traite une hépatite chronique C, en associant l’interféron pégylé à un autre médicament, la ribavirine. Il faut cependant être vigilant, et bien surveiller l’évolution de l’hépatite B. En effet, en éliminant le virus de l’hépatite C, on risque paradoxalement de désinhiber celui de l’hépatite B, et donc de réactiver l’hépatite chronique B. Rarement, le contraire se produit et le VHB domine avec une réplication forte alors que le VHC reste discret avec une réplication faible. On traite alors la coïnfection comme une hépatite B, avec une préférence pour l’interféron pégylé, puisqu’il est aussi efficace contre le virus de l’hépatite C (ce qui n’est pas le cas de la lamivudine, de l’adéfovir ou de l’entécavir).
Coïnfection avec le VIH
Près de 10 % des porteurs du VIH sont infectés par le VHB. Avec la généralisation des multithérapies contre le sida, nombre de personnes sont parvenues à stabiliser leur infection VIH, alors que l’hépatite a pu continuer de progresser. Beaucoup de coïnfectés sont plus gravement menacés par le VHB que par le VIH. Le traitement contre l’hépatite B peut être entrepris chez les coïnfectés dont le statut immunitaire est préservé sous traitement antirétroviral. Pour ceux dont le système immunitaire est très déprimé, un traitement antirétroviral du VIH doit, au préalable, permettre une remontée du niveau des CD4. Le traitement par interféron est possible, mais moins efficace qu’en l’absence de coïnfection. De bons résultats peuvent toutefois être obtenus, la principale difficulté étant de trouver l’équilibre entre tolérance et efficacité.
L’infection par le VIH augmente à la fois le risque de passage à la chronicité du VHB, la réplication virale B et la fréquence de la réactivation virale B responsable d’une poussée d’hépatite. Elle accélère l’évolution de la fibrose et majore la mortalité. La mise sous traitement antirétroviral VIH a pu entraîner, du fait de la restauration immune, des réactivations sévères. Il en est de même pour l’arrêt ou le remplacement de médicaments antirétroviraux actifs contre le VHB, et notamment la lamivudine.
L’indication du traitement anti VHB dépend de la présence de l’Ag HBs, de l’Ag HBe/Ac anti HBe et de la charge virale du VHB exprimée par un test quantitatif sensible. Lorsque le traitement antirétroviral VIH est indiqué, il doit comporter une association active contre le VHB, lamivudine (Epivir®) ou emtricitabine (Emtriva®) + ténofovir (Viréad®). Chez les malades ayant déjà été traités par lamivudine et dont le virus est devenu résistant à ce produit, celle-ci doit être remplacée par le ténofovir. Lorsque le traitement antirétroviral VIH n’est pas nécessaire, l’indication du traitement dirigé contre le VHB dépend de l’état du foie.
Ne sont traités que les malades dont le score de fibrose est F2. Lorsque le taux des lymphocytes CD4 est conservé, ce traitement peut être l’interféron, l’interféron pégylé ou l’adéfovir. Lorsque le taux des lymphocytes CD4 est inférieur à 500, le traitement anti VHB doit être une association de lamivudine ou emtricitabine + ténofovir. L’ANRS conduit une étude pilote multicentrique (ANRS HB 01 EMVIPEG) évaluant l’efficacité et la tolérance d’un traitement additif par IFN pégylé alpha-2a, en association avec ténofovir et emtricitabine, dans le traitement de l’hépatite chronique B à antigène HBe positif chez les patients VIH/VHB.
Surveillance pendant le traitement
Pour suivre l’efficacité du traitement, plusieurs indicateurs sont utiles. Tout d’abord, il faut doser les transas, chaque mois au début du traitement, puis tous les trois mois. La mesure de la charge virale est plus précise, peut être faite tous les trois mois, ou plus en cas de cirrhose. Lorsqu’il s’agit d’une hépatite chronique positive pour l’ag-HBe, il est important de repérer une éventuelle séroconversion. C’est pourquoi il est conseillé de faire la recherche de cet antigène, ainsi que de l’anticorps anti-HBe, lorsque l’ADN viral a fortement diminué dans un second temps, si I’ADN du VHB et l’antigène HBe sont négatifs, il faut de la même manière surveiller une possible séroconversion HBs.
Le suivi des effets indésirables concerne surtout l’IFN : prises de sang régulières (NFS, TSH, etc.). Enfin, l’apparition d’une souche résistance se traduira par une nouvelle augmentation de la charge virale. Après l’arrêt d’un traitement la surveillance des marqueurs biologiques et virologiques est poursuivie en raison du risque de réactivation virale.
Il n’existe pas une « bonne réponse » au traitement contre l’hépatite B, mais plusieurs types de réponses, correspondant à des stades successifs :
- 1er temps, la charge virale diminue et, si tout va bien, passe en dessous du seuil des 100 000 copies par ml. Cette réponse virologique est accompagnée ou suivie d’une normalisation des transaminases et d’une diminution de l’activité de l’hépatite, voire du score de fibrose. A ce stade, le risque de réactivation persiste ;
- 2e temps, la séroconversion HBe se produit et le risque de réactivation devient faible. Ce type de réponse est en général pris en compte dans les essais pour évaluer l’efficacité des traitements ;
- 3e temps, l’ag HBs peut se négativer, ce qui correspond à la guérison de l’hépatite chronique B sans risque de réactivation. Ce type de réponse est plus rare, souvent tardive, survenant après l’arrêt du traitement. Par ailleurs, comme dans l’hépatite C, une importante diminution de la charge virale au tout début du traitement est prédictive d’une meilleure réponse ultérieure.
Michel Bonjour