Le foie est essentiel à la vie. Il intervient dans un grand nombre d’activités de l’organisme directement liées à la nutrition. Une alimentation adaptée peut aider le foie à mieux fonctionner et lui éviter un surcroît de travail.
Le foie transforme les aliments en substances nécessaires à la vie, à la croissance et à leur utilisation par les autres organes. Il fabrique les éléments essentiels à une bonne coagulation du sang, ce qui permet d’éviter les hémorragies. Il stocke de l’énergie sous forme de glycogène et est capable de la mettre à la disposition de l’individu en quelques minutes, en cas d’effort intense et prolongé. Il capture, transforme et rend inoffensifs, avant de les éliminer, les toxiques contenus dans les aliments, l’eau, les boissons ou dans l’air respiré. C’est ce qui se passe en particulier pour l’alcool : quand le foie n’est pas malade et dans une certaine limite, il est capable de métaboliser et d’éliminer l’alcool. De même, les médicaments absorbés, après avoir produit leur effet thérapeutique, sont neutralisés par le foie, ce qui évite une accumulation dangereuse. Mais cette fonction diminue considérablement lorsqu’une hépatite chronique est active. Le foie joue aussi ce rôle d’épuration pour des toxiques fabriqués par l’organisme à partir de protéines, évitant ainsi une sorte d’auto-intoxication.Le foie et la nutrition
Le foie a une forte influence sur l’état nutritionnel grâce à son rôle dans le métabolisme intermédiaire des nutriments et des sels biliaires. Un foie malade perturbe la digestion, l’absorption, le stockage et le métabolisme des nutriments, ce qui peut être la cause de carences en vitamines et minéraux ainsi que d’une malnutrition au niveau des protéines et des calories. La mesure dans laquelle les facteurs nutritionnels contribuent à la progression d’une maladie du foie n’a pas encore été entièrement élucidée. On ne sait toujours pas si une piètre nutrition a pour effet de stimuler l’activité virale du VHC ou d’accélérer la progression des lésions dues au VHC. Quoi qu’il en soit, le foie étant un organe des plus importants pour le métabolisme, toute lésion du foie aura des répercussions sur l’apport nutritif et l’état nutritionnel général des malades.
Les besoins en énergie mesurés chez les patients infectés par le VHC, même en l’absence de cirrhose, sont en moyenne plus élevés par unité de masse maigre que chez les individus en bonne santé (1). Ces besoins accrus en énergie augmentent de pair avec la charge virale du VHC. Les patients souffrant d’hépatite aiguë pourraient avoir des besoins en énergie supérieurs, comparés à ceux souffrant de cirrhose compensée, et ce, pour favoriser la régénération du foie (2).
Il est essentiel de considérer les sujets de la nutrition et du mode de vie le plus tôt possible pour favoriser le bien-être et la qualité de vie. Le régime alimentaire est une composante importante de la gestion globale du VHC ; il peut renforcer la réponse aux traitements et aux effets indésirables de ces derniers.
Il est important pour les personnes infectées d’obtenir un état nutritionnel optimal en équilibrant l’apport alimentaire, l’activité physique et les médicaments en vue de renforcer le système immunitaire et de favoriser la régénération du foie. Les personnes infectées par le VHC doivent connaître les bienfaits pour la santé et le plaisir qu’apportent une bonne alimentation, l’activité physique ainsi que la détente et le repos adéquats.
Le régime alimentaire santé
Pour les personnes infectées par le VHC, ce régime comprend :
- une variété d’aliments parmi les quatre groupes suivants : légumes et fruits, produits céréaliers, lait et ses dérivés, viandes et poissons ou œufs ;
- un apport calorique adapté au poids, à la taille, à l’activité, sans excès d’énergie, réparti sur l’ensemble de la journée ;
- un apport adéquat de protéines pour combattre l’infection, régénérer le foie et ne pas perdre de muscles ;
- beaucoup de fruits et de légumes pour les anti-oxydants qui combattent les radicaux libres ;
- des aliments riches en vitamine A (foie de volaille et d’agneau, pissenlit, épinard, carotte) et en vitamine C (goyave, persil, kiwis, poivrons, agrumes) ;
- l’abstinence d’alcool pour protéger le foie et lui permettre de se régénérer ;
- la limitation des aliments à forte teneur en gras et en sucres.
L’apport alimentaire doit être conjugué de manière équilibrée au niveau d’activité, dans les limites de la capacité physique.
Fatigue and co
Quand la forme est au rendez-vous, il est possible de préparer à l’avance des plats sains et équilibrés, et d’en congeler une partie. Une réserve de boissons nutritives (compléments alimentaires hyperprotéinés) peut être constituée et servira en cas de baisse d’appétit. Ces compléments sont délivrables avec une ordonnance et remboursés par la sécurité sociale. La famille et les amis peuvent cuisiner et inviter.
Nausées ou vomissements : pour les éviter, il est recommandé de manger sans se forcer, au moment de la faim, quelle que soit l’heure. Les aliments secs, froids et fades (blanc de volaille, crackers, edam) sont faciles à avaler alors que les aliments épicés et chauds peuvent rendre nauséeux. Il importe de boire beaucoup de liquides (chauds ou froids) et séparément des repas. Les boissons nutritives gardées au réfrigérateur déclenchent moins de nausées (Clinutren®, Resource®, Nutrigil®). Les aliments déclencheurs de nausées (le goût, l’odeur ou même la pensée de certains aliments) seront identifiés et évités.
Diarrhées : les bananes, le riz au lait, la semoule au lait, la purée peuvent la réguler, ainsi que des gélules d’ultra-levure. Il faut également boire beaucoup de liquides, dont de l’eau de riz (à faire soi-même ou à acheter) et prendre le temps de se détendre en mangeant est toujours bénéfique.
Manque d’appétit : pour pallier au manque d’appétit, les solutions sont de manger de plus petites portions et plus fréquemment, de varier les goûts (amer, sûr, salé, sucré), ce qui aiguise l’appétit, de boire du lait, des jus de fruits ou des boissons au soja enrichies plutôt que des liquides à faible teneur en calories (thé, bouillon, café) ainsi que d’utiliser au besoin des boissons nutritives.
Goût altéré : si la viande a un goût amer, le poulet, le poisson et les autres aliments protéiques tels les haricots avec des viandes cuisinées (cassoulet) peuvent être essayés, ainsi que le fromage, le yogourt, les œufs. La viande, le poulet, le poisson peuvent être mangés froids ou à la température de la pièce.
Consulter un diététicien
L’hôpital ou centre de soin offre souvent une consultation de diététique. Un diététicien peut préparer un plan personnel de repas qui répond aux besoins nutritionnels. Ces consultations de diététique sont encore plus utiles en cas de complications de la cirrhose ou d’une autre maladie tel que diabète ou VIH, ainsi qu’en cas de perte de poids, de diarrhée durant depuis plus de 3 jours, de perte d’appétit, de rétention d’eau et de nécessité d’un régime à faible teneur en sel.
Pendant le traitement
Les effets indésirables des médicaments prescrits tels que fatigue, nausées, vomissements, diarrhée, manque d’appétit, goût altéré, peuvent être une cause de malaise. Une personne qui ne mange pas beaucoup choisira des aliments à teneur élevée en protéines et calories.
Quand l’appétit manque, la perte de poids est augmentée. Le poids doit être vérifié régulièrement. Les nausées sont souvent aggravées par un estomac vide, les odeurs de cuisine, les aliments frits, forts, épicés, la fatigue ou le stress, le fait d’être déshydraté ou de sentir la fumée de tabac. Les personnes ayant de graves nausées et des vomissements sont à risque de déshydratation, de déséquilibre des électrolytes, de ralentissement du métabolisme et de perte de poids.
Recettes nutri-stimulantes
Ajoutez 1/4 de tasse (60 ml) de lait écrémé en poudre à un verre de lait entier. Adoptez les Milkshakes (mixer des fruits divers, du lait, de la glace).
Le Milkshake Exotique : du lait, kiwi, ananas, litchi, un zeste de citron vert, quelques boules de glace à la vanille, mixez le tout et le tour est joué !
Le Milkshake Multivitaminé : du lait, pommes, bananes, abricots, pêches, glace à la vanille.
Pour la plupart des personnes, le besoin en liquides est de 1,5 à 2 litres par jour, sauf si le médecin a prescrit de limiter la quantité de liquides à boire. Les besoins en liquides sont couverts en buvant de l’eau, du thé vert, du lait, du jus de fruits, des bouillons chauds, des boissons nutritives, au soja, des soupes de légumes.
Collations et repas
Légumes et fruits : au moins un légume vert foncé et un légume orangé chaque jour. Choisir des légumes vert foncé comme le brocoli, les courgettes, les épinards et la laitue romaine, des légumes orangés comme les carottes, les courges d’hiver et les patates douces. Ils peuvent être préparés en soupe, en papillotes, en gratin, ou crus et râpés.
Céréales : les flocons d’avoine sont faciles à préparer (micro-ondes) et à digérer, ainsi que l’orge, le blé, le quinoa, le millet, le riz brun et le riz sauvage. Les pains à grains entiers, complets et les pâtes alimentaires de blé entier ou de sarrasin sont plus nutritifs que le pain blanc.
Laitages : il est important de consommer 500 ml (2 tasses) de lait chaque jour pour absorber suffisamment de vitamine D. Si le lait ne passe pas, prendre du lait de soja enrichi en calcium et en vitamine D. Choisir des yaourts ou du fromage blanc à 10 ou 20 % ou moins de matières grasses (M.G.). Rechercher des fromages à faible teneur en gras qui contiennent moins de 15 % à 20 % de M.G. Limiter la consommation de fromage à la crème, crème glacée et crème fouettée, trop riches en lipides et calories.
Les viandes : consommer souvent des substituts de la viande comme des légumineuses ou du tofu. Il suffit de manger 75 g de viande, poisson ou volaille, ou une tasse de légumineuses cuites ou 2 œufs pour consommer une portion de protéines. Il est possible de consommer des demi-portions de façon à pouvoir inclure une petite quantité de viandes ou substituts à chaque repas. Il est conseillé de consommer au moins deux portions de poisson chaque semaine, en privilégiant le hareng, le maquereau, les sardines, le saumon et la truite (riches en oméga 3). Les viandes et substituts fournissent des protéines, des lipides et d’autres éléments nutritifs dont le fer, le zinc, le magnésium et des vitamines B. Les viandes maigres (bœuf, veau) sont à privilégier, (rôtis, biftecks, filet, escalopes, côtelettes) ainsi que les volailles maigres, sans la peau.
Les charcuteries et viandes cuisinées sont habituellement riches en lipides, et en sel (sodium), il est préférable d’acheter des viandes, poissons ou volailles frais ou surgelés non panés et sans sauces.
Les matières grasses
Il existe différents types de matières grasses, les lipides saturés, insaturés. Il faut consommer chaque jour une petite quantité de lipides insaturés, c’est-à-dire 2 à 3 cuillérées à soupe. Cela inclut les huiles utilisées pour la cuisson, les vinaigrettes, la margarine et la mayonnaise.
Les huiles végétales riches en acides gras insaturés oméga 3 sont les huiles de colza, noix et soja, tandis que les oméga 6 sont majoritaires dans les huiles de maïs, olive, arachide, et tournesol. Il est recommandé de varier les huiles, ou de les mélanger pour avoir les deux variétés d’oméga.
Vitamines et minéraux
Les aliments doivent toujours être le premier choix pour répondre aux besoins nutritionnels. Un apport de multivitamines et de minéraux peut être utile pour prévenir des carences associées à un faible apport, aux perturbations métaboliques dues à la maladie du foie ou aux effets des médicaments. Les suppléments de vitamines ou de minéraux devraient être déterminés par un médecin ou un diététicien après une évaluation diététique et nutritionnelle individuelle. Un excès de certains nutriments peut être nocif ou une source supplémentaire de stress pour le foie (exemple de la vitamine A).
Cirrhose
L’amélioration de l’état nutritionnel des personnes cirrhotiques améliore la fonction hépatique (3). Les malades souffrant de cirrhose doivent adopter un rythme de repas différent, soit de fréquents petits repas, 4 à 7 fois par jour, incluant une collation en soirée. Ceci favorise l’utilisation de l’azote et des substrats, diminue l’oxydation des graisses et des protéines et prévient l’épuisement des réserves de glycogène.
Les besoins en nutriments des patients souffrant de cirrhose compensée sont similaires à ceux des patients qui ont une infection aiguë du VHC ou une pré-cirrhose, mais ils sont différents pour la cirrhose décompensée.
Cirrhose décompensée
Des modifications diététiques spécifiques doivent être envisagées, en vue des complications de la décompensation (l’ascite, l’encéphalopathie hépatique et les maladies osseuses hépatiques). La malnutrition a un effet négatif sur les résultats cliniques des cirrhoses décompensées. Certaines études cliniques laissent entendre que la malnutrition est un facteur prédictif indépendant de la survie des patients cirrhotiques (4).
Chez les patients en attente d’une greffe, une thérapie nutritionnelle peut avoir des effets bénéfiques sur les résultats de l’intervention chirurgicale et sur leur bien-être.
Encéphalopathie hépatique
Chez un petit nombre de patients cirrhotiques, il peut survenir une complication appelée encéphalopathie hépatique, une détérioration de la fonction mentale. Les personnes atteintes peuvent présenter des signes de désorientation et de confusion. La cause précise de l’encéphalopathie hépatique peut être le résultat de l’accumulation de produits issus de la décomposition des protéines que le foie défaillant a du mal à traiter. Le sang, qui contient des toxines, est « court-circuité » ou redirigé vers la circulation centrale et vers le cerveau sans passer par le foie. Des médicaments peuvent aider à maximiser la tolérance aux protéines. La prescription de lactulose aux patients accroît la tolérance aux protéines alimentaires.
Ascite
La cirrhose perturbe la régulation du sodium et de l’eau dans le corps. La rétention excessive de sodium est la principale cause d’accumulation de liquide dans la cavité abdominale. C’est la plus commune des complications majeures de la cirrhose. Le traitement de l’ascite peut exiger la restriction du sodium alimentaire et souvent l’administration de diurétiques. Des mesures de restriction de l’apport de liquides ou d’enlèvement des liquides sont prises lorsque le sodium sérique est inférieur à 120 mmoles/l. De petits repas fréquents semblent mieux tolérés. Les mesures prises pour diminuer l’ascite favorisent l’apport alimentaire.
Poids et stéatose
Certains malades en surpoids doivent réduire leur alimentation pour diminuer la stéatose. La stéatose du foie est présente chez plus de 50 % des patients VHC. Chez un grand nombre d’entre eux, la maladie semble reliée à l’obésité et surtout à l’adiposité viscérale. La stéatose hépatique, lorsqu’elle va de pair avec l’obésité, est un important précurseur du développement de la fibrose et des autres maladies du foie. La stéatose est aussi un obstacle au succès du traitement du VHC. Chez les patients avec de l’embonpoint et de la stéatose, la perte de poids amène une amélioration de l’état du foie. Il est démontré que la perte de poids occasionne une baisse de la graisse viscérale. Néanmoins, une perte rapide peut aggraver les lésions du foie, causer une inflammation portale et augmenter de la fibrose (5,6). Le but devrait donc être une perte graduelle de 10 % du poids corporel, par une alimentation saine et par de l’activité physique régulière, et non par l’adoption d’un régime-choc amaigrissant.
Mieux manger pour vivre mieux
Le foie étant au cœur des processus nutritionnels, il a un effet considérable sur l’état nutritionnel global des personnes infectées par le VHC. La progression de la maladie est fréquemment une cause de malnutrition, qui contribue à la morbidité et à la mortalité.
Une amélioration individualisée de l’alimentation peut aider les personnes infectées par le VHC à mieux respecter leur foie, contribuer au succès du traitement et améliorer leur qualité de vie. Bien se nourrir et y trouver du plaisir doit devenir un acte thérapeutique aussi important que de prendre des médicaments.
Michel Bonjour
(1) Piche T., Schneider S.-M., Tran A. et al : Resting energy expenditure in chronic hepatitis C. J Hepatol 2000; 33(4):623.627.
(2) Wong K., Visocan B.-J., Fish J. : Nutrition management of the adult with liver disease. Dans Skipper A
(éd) : Dietitian’s Handbook of Enteral and Parenteral Nutrition. Rockville, MD : ASPEN Publishers Inc., 1998.
(3) Lochs H., Plauth M. : Liver cirrhosis : rationale and modalities for nutritional support : the European Society for Parenteral and Enteral Nutrition consensus and beyond. Curr Opin Clin Nutr Metab Care 1999; 2(4):345.349.
(4) 116. Alberino F., Gatta A., Amodio P. et al : Nutrition and survival in patients with liver cirrhosis. Nutrition 2001; 17(6):445.450.
(5) Scolapio J.-S., Bowen J., Stoner G. et al : Substrate oxidation in patients with cirrhosis : comparison with other nutritional markers. J Parenter Enteral Nutr
2000; 24(3):150.153.
(6) Shronts E., Fish J. : Hepatic failure. Dans Nutrition Support Dietetics : Core Curriculum. Silver Springs, MD : American Society for Parenteral and Enteral Nutrition Publishing, 1993:311.325.