Les cirrhotiques ne sont pas assez vaccinées

Les personnes en cirrhose ne sont pas assez vaccinées

Chaque hiver, la grippe saisonnière touche des millions de personnes en France. Elle peut entraîner des complications graves, particulièrement chez les personnes fragiles et provoque, chaque année, des décès souvent évitables, par une simple vaccination annuelle. La vaccination est utile, gratuite, simple et recommandée pour toutes les personnes vivant avec le VIH et/ou une hépatite.

La vaccination est, avec le dépistage, un des principaux gestes de prévention, et un des grands succès des politiques de santé publique que ce soit sur le plan individuel que dans l’intérêt collectif. Les vaccinations sont d’un intérêt protecteur majeur, car certains virus ou bactéries pathogènes touchent plus souvent ou plus gravement certaines populations : personnes vivant avec le VIH, le VHB ou le VHC, personnes migrantes en provenance de zones où certaines maladies sont endémiques, personnes usagères de drogues par voie intraveineuse… Par exemple, les virus de la grippe peuvent donner des symptômes plus graves et entrainer des pneumonies, il est donc vital et sans danger de se faire vacciner contre la grippe et contre les pneumocoques. L’intérêt vis-à-vis de l’hépatite B est très important également, une maladie qui touche plus de 250 000 personnes en France dont la moitié l’ignore, car le vaccin est le moyen le plus simple pour se protéger de cette infection pouvant entrainer un cancer du foie. Enfin, parce que la recherche sur les vaccins est essentielle et doit continuer à être financée, notamment celle menée pour amener un jour à un vaccin préventif contre le VIH ou le VHC.

En cas de cirrhose :

La cirrhose n’est pas qu’une maladie du foie. Qu’elle soit due à une hépatite virale, à l’alcool ou à une autre cause, la cirrhose est aussi une maladie à expression immunitaire, une immunité déréglée car il y a déficit de synthèse du système du complément (pour la coagulation), altération de la fonction des globules blancs (pour la défense)et synthèse d’immunoglobulines anormales.

Et lorsqu’une infection survient chez les patients cirrhotiques, le risque de décès est fortement augmenté et peut atteindre 30 % à 30 jours en cas d’infection bactérienne

Les infections sont dans 30 à 50 % des cas la cause première du décès des patients cirrhotiques.

Malgré cela, les taux de vaccinations des patients cirrhotiques restent trop faibles : 34 % pour le pneumocoque, 55 % pour l’influenza (la grippe), 32-42 % pour l’hépatite B, 20-38 % pour l‘hépatite A. (1)

Ainsi, pour le pneumocoque, responsable d’un très haut taux de mortalité chez le cirrhotique (le risque de décès est multiplié par 11,4), le nouveau vaccin polysaccharidique 23-valent, bien que moins immunogène que le vaccin conjugué 13-valent, a clairement montré une efficacité précoce. Mais cette efficacité s’épuise rapidement avec le temps, raison pour laquelle la France conseille un rappel tous les 3 ans, et maintenant une double vaccination, par ces deux vaccins, espacés de deux mois.

L’infection par le virus de la grippe saisonnière est un facteur de risque majeur de décompensation cirrhotique. Dans la mesure où le vaccin est très efficace (mais beaucoup moins en cas de transplantation hépatique, surtout au cours des 3 premiers mois), il est fortement recommandé annuellement pour toute hépatopathie, avec ou sans cirrhose (2).

Pour ce qui concerne le virus de l’hépatite B, on sait que la co-infection avec le virus de l’hépatite C augmente sérieusement le risque de développer un hépato-carcinome (CHC), et que l’infection par le VHB chez le cirrhotique entraîne un risque élevé de décompensation. Dans la mesure où les patients cirrhotiques répondent moins bien au vaccin, la stratégie actuelle est de doubler la dose du vaccin contre l’hépatite B et de l’administrer à raison de 40 mcg, puis même dose un mois après, ainsi qu’à 6 mois, ce qui permet une séroconversion dans 44 à 68 % des cas. Il est par ailleurs nettement plus efficace avant transplantation.

Une sérologie post-vaccinale est conseillée pour s’assurer de l’efficacité du vaccin.

L’infection par le virus de l’hépatite A augmente aussi le risque de décès chez le patient cirrhotique, et est à risque majeur d’hépatite fulminante en cas d’infection chronique par le virus de l’hépatite B ou C. Le vaccin est cependant moins efficace chez le patient cirrhotique (71 % après la première dose et 98 % après la deuxième dose pour le stade Child-Pugh A, et respectivement 37 % et 66 % pour les stades C et B). Il est donc important chez le patient cirrhotique d’effectuer une sérologie de dépistage et une sérologie de contrôle post-vaccination.

Pour les autres maladies que l’on peut prévenir par la vaccination, le schéma est le même que dans la population générale en cas de vaccin inactivé (tétanos, diphtérie, coqueluche, méningocoque) et doit être discuté au cas par cas en termes de bénéfice pour les autres vaccins (rougeole, rubéole, oreillons, varicelle, fièvre jaune).

Il faut évaluer le statut vaccinal des personnes ayant une hépatopathie chronique, ce qui est encore plus capital pour les cirrhotiques, le plus tôt possible dans l’histoire de la maladie et il devrait être proposé systématiquement une double vaccination contre le pneumocoque chez les personnes cirrhotiques (dont le dernier vaccin remonte à plus de 3 ans) avec le vaccin Prevenar puis 2 mois après avec le vaccin Pneumo23 (pour couvrir tous les pneumocoques), ainsi que le vaccin de la grippe tous les ans (3), et contre les virus de l’hépatite A et de l’hépatite B si ils ne sont pas déjà immunisés (2).

Pour les co-infectés VIH-VHC, les recommandations vaccinales sont quasiment les mêmes, avec un schéma renforcé pour le vaccin de l’hépatite B en cas de séropositivité au VIH, mais sont identiques pour le pneumocoque et le vaccin annuel de la grippe.

Marianne L’HENAFF – octobre 2015

Références :

(1) Loulergue P: Vaccines in chronic liver disease. UEG Week 2015 (Barcelone): 24-28 octobre 2015.
(2) Calendrier vaccinal 2015: http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Calendrier_vaccinal_2015.pdf
http://www.inpes.sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1671.pdf
(3) Avis du HCSP: Vaccination contre la grippe saisonnière et maladie hépatique chronique
Date de mise en ligne : 02/04/2013
Des études, notamment au cours de la pandémie A(H1N1)pdm09 de 2009, ont mis en évidence la gravité de la grippe pour les personnes atteintes de maladie hépatique chronique avec ou sans cirrhose. Par ailleurs, ces patients ont une réponse immune satisfaisante aux vaccins grippaux et aucun signal particulier de pharmacovigilance n’a été enregistré chez ces patients vaccinés. Le Haut Conseil de la santé publique estime donc, en raison de la gravité potentielle de la grippe chez les personnes atteintes de maladies hépatiques, que la balance bénéfice/risque de cette vaccination est favorable.
En conséquence, il recommande d’inclure les patients atteints de maladie hépatique chronique, avec ou sans cirrhose, dans la liste des personnes éligibles à la vaccination contre la grippe saisonnière.