Comment mieux se nourrir pour soutenir le foie
Une amélioration de l’alimentation peut aider les personnes vivant avec une hépatite virale et/ou avec une cirrhose à mieux respecter leur foie, à ne pas aggraver cette cirrhose, voire l’améliorer. Bien se nourrir et faire un peu d’exercice est aussi important que de prendre les médicaments prescrits. En ce qui concerne l’alimentation, c’est vous qui êtes aux commandes, pour le meilleur ou pour le pire…
Lorsqu’une cirrhose a été diagnostiquée, qu’elle soit due à une hépatite virale ou à l’alcool, même si la cause a été traitée avec succès (hépatite C), ou contrôlée (hépatite B) ou arrêtée (alcool), la cirrhose reste bel et bien là. L’hépatologue gère et prescrit les examens de suivi, le dépistage des varices œsophagiennes et le dépistage du cancer du foie tous les 6 mois par une échographie. Cette surveillance très régulière est impérative pour dépister et traiter les complications, mais l’alimentation est également unepartie importante de la prise en charge, qui ne peut être gérée que par vous.
Nous parlons ici de cirrhoses non décompensées, sans ascite (liquide dans la cavité abdominale), sans encéphalopathie (troubles neurologiques liés à la baisse des fonctions du foie). Les conseils nutritionnels deviennent souvent des restrictions diététiques (pas ou très peu de sel, moins de protéines) imposées par les complications et doivent être donnés par le spécialiste, au cas par cas.
Le foie intervient directement dans les processus nutritionnels (transformation, détoxification, stockage du glucose et des vitamines liposolubles (A, D, E, K)). Une alimentation équilibrée et adaptée peut aider le foie à mieux fonctionner et lui éviter un surcroît de travail. Le foie en cirrhose est « handicapé », rigidifié et son espace devient limité. Il ne peut plus stocker autant de réserves qu’un foie sain et lui infliger des repas trop lourds, trop gras, trop sucrés et de l’alcool risque de l’achever…
Le foie capture, rend inoffensif et élimine les toxiques contenus dans les aliments, l’alcool, les médicaments. Quand le foie n’est pas malade, il est capable de métaboliser et d’éliminer l’alcool ou les déchets des médicaments et de l’alimentation. Mais cette fonction diminue énormément lorsque le foie est en cirrhose et l’alcool est son pire ennemi.
La progression de la maladie est souvent une cause de malnutrition, qui contribue aux complications de la cirrhose, un vrai cercle vicieux qu’il faut combattre.
La base alimentaire santé, c’est le régime crétois ou diète méditerranéenne. Elle est valable pour les personnes en bonne santé et qui veulent le rester et elle est valable dans le cas des pathologies chroniques comme le VIH, les hépatites, la cirrhose, l’excès de cholestérol, le diabète, mais il faut l’adapter aux particularités de chacun et de chaque maladie…La cirrhose est plus ou moins bien supportée selon son stade, selon les personnes, leur mode de vie, leur acceptation de la maladie, leur moral, le fait de faire de l’exercice physique ou pas. Certaines ont des nausées, des diarrhées, des baisses d’appétit, certaines digèrent très mal les graisses et d’autres non.
- Si vous n’avez pas de surpoids, pas de diabète, pas de stéatose (foie gras), pas ou peu de baisse d’appétit, en route pour la Crête (encadré), en augmentant juste un peu les apports en protéines. Les experts préconisent un apport en protéines de 1 à 1,5 g de protéines/kg/jour lors des cirrhoses (pour un poids de 60 kg, il faut de 60 g à 90 gde protéines par jour), pour ne pas perdre de muscles et éviter la malnutrition. Votre spécialiste (ou diététicien) doit déterminer votre taux idéal, selon votre état de santé. Il faut donc manger des protéines à chaque repas, mais pas forcément de la viande, les légumes secs, le soja, le fromage blanc, les céréales complètes et les œufs apportent des protéines.
Il est souvent conseillé d’adopter un rythme de repas différent, soit de fréquents petits repas, 4 à 6 par jour, incluant une collation en soirée. Ceci peut favoriser l’utilisation des nutriments, diminue l’oxydation des graisses et des protéines et entretenir les réserves de glycogène (sucre) du foie.
- En cas de nausées ou vomissements :
Pour les éviter ou les diminuer, il est conseillé de manger sans se forcer, au moment de la faim, quelle que soit l’heure. Les aliments secs, froids et un peu fades (blanc de volaille, crackers, fromage type gouda) sont plus faciles à avaler que les aliments frits, épicés et chauds qui peuvent rendre nauséeux. Il est vital de boire de l’eau (en infusions aussi, thé vert) et hors repas. Une réserve de boissons nutritives (compléments hyperprotéinés, avec ou sans sucre, Clinutren, Resource, Nutrigil, etc.) peut être faite et servira en cas de nausées ou de baisse d’appétit (délivrables avec une ordonnance et remboursées par la sécurité sociale en France). Gardées au réfrigérateur et consommées fraiches, elles donnent moins de nausées. Si ces boissons ne passent pas, essayez les crèmes desserts au soja, bien protéinées. Les aliments déclencheurs de nausées (le goût, l’odeur) seront identifiés et évités ou préparés différemment. Les œufs peuvent dégoûter tels quels, mais bien passer dans un riz au lait ou un cake. Le lait, pas très digeste pour les adultes, peut être remplacé par du lait d’amandes, de soja ou d’avoine. Certaines épices combattent efficacement les nausées : le gingembre, la menthe, le basilic (rajoutés sur les plats après cuisson, en infusion, gingembre au vinaigre ou confit).
- En cas de diarrhées :
Les bananes, le riz ou la semoule au lait, la purée de carottes, le riz blanc et l’eau de cuisson du riz peuvent aider à les réguler, ainsi que des probiotiques, des microorganismes vivants présents dans les yaourts et les laits fermentés (kéfir, lait Ribot, leben, plus digestes que le lait) ou en gélules type ultra-levure. Ils ont une action bénéfique sur la santé intestinale et l’immunité. Certaines études tendent à montrer leur intérêt pour les cirrhoses (voir avec votre hépatologue). La gelée de coing est très efficace lors des diarrhées et c’est très bon (grande surface ou magasins bio).
- En cas de manque d’appétit :
La réduction de la prise alimentaire peut aboutir à la malnutrition, à des carences en vitamines (B surtout, E, A) et/ou protéines, d’où une faiblesse musculaire, une fatigue chronique et une détérioration de la qualité de vie.
Pour pallier la baisse d’appétit, une des solutions est de manger des portions plus petites et plus fréquentes (fractionner les apports en 6 petites collations plutôt que 3 gros repas, dont une collation le soir pour éviter un long jeune nocturne), de varier les goûts (amer, acide, salé, sucré) pour aiguiser l’appétit. Pour les collations entre les repas, boire des jus de fruits ou des boissons au soja, des smoothies, manger des fruits, des bananes, des amandes et utiliser si besoin des boissons nutritives. Evitez de boire pendant les repas et avalez les médicaments à la fin des repas, pour ne pas couper l’appétit. Faire un peu d’exercice avant les repas, une petite marche par exemple peut réveiller l’appétit. Les épices et aromates ouvrent l’appétit : le cumin (un peu de gouda au cumin avant la marche), la cannelle, la coriandre, le fenouil, le gingembre, le fenugrec, etc.). Il existe un médicament naturel pour ouvrir l’appétit, à base de fénugrec (à voir avec votre pharmacien).
- En cas de goût altéré :
Si la viande a un goût amer, le poulet, le poisson, les lentilles, le tofu (soja) peuvent la remplacer, ainsi que le fromage, le yaourt, les œufs. La viande, le poulet, le poisson et les œufs peuvent être mangés froids (un cake aux œufs et au thon ou au tofu). Les boissons protéinées peuvent être une aide les jours « sans goût » ou de « mauvais goût ».
- En cas de fatigue :
La fatigue n’est pas toujours constante ; quand on est plus en forme, il est possible de faire les courses et de préparer à l’avance des plats sains et équilibrés (ex : viande blanche ou poisson + légumes + céréales), et d’en congeler une partie pour les jours « sans ». Si la fatigue est constante, le médecin doit vérifier le statut vitaminique (A, B, C, D, E) et protéique car les carences sont fréquentes. Pour les vitamines, faites pousser des graines germées, pleines de protéines et de vitamines. Si le moral est en berne, il est conseillé d’aller voir un psychologue, pour identifier une dépression ou ne pas la laisser s’installer, car c’est une cause supplémentaire de baisse d’appétit et donc ensuite de malnutrition. Faire un peu d’exercice en commençant doucement (marche, piscine, vélo) peut redynamiser et engendrer une « saine »fatigue.
- En cas de surpoids et/ou de stéatose :
Si vous êtes en surpoids et/ou avez de la stéatose (graisse dans le foie), l’hépatologue a dû vous dire de freiner sur les kebabs et de perdre du poids pour diminuer la stéatose, car elle accélère la vitesse de progression de la fibrose et multiplie par deux le risque de cancer du foie. La stéatose du foie est fréquente chez les personnes ayant une hépatite C. Chez certains, ayant un virus de génotype 3, la stéatose est due au virus lui-même. Mais pour les autres, la stéatose semble reliée au surpoids et surtout à l’adiposité viscérale (accumulation de tissu adipeux entourant les viscères à l’intérieur du ventre), souvent relié aussi au diabète de type 2 et/ou au syndrome métabolique (tension, glycémie et triglycérides élevés, bon cholestérol bas, tour de taille supérieur à 102 cm chez les hommes et à 88 cm chez les femmes, etc.). Il est possible de cumuler les deux, stéatose virale + stéatose métabolique. La stéatose est due aux triglycérides en excès dans le sang, venant d’une alimentation trop riche en sucres, graisses et alcool (le whisky serait un bon pourvoyeur de stéatose, ainsi que les alcools forts). L’augmentation du risque de cancer du foie pourrait s’expliquer par le fait que ce tissu graisseux produit des facteurs de croissance jouant un rôle dans le développement des cellules tumorales. Ce risque est plus grand pour les hommes de plus de 40 ans, avec une prédisposition génétique (variant du gène PNPLA3).
La stéatose était un obstacle au succès du traitement du VHC (moins maintenant avec les nouveaux traitements). La stéatose peut être traitée, par divers médicaments (metformine, pentoxyfilline, Acide UrsoDésoxycholique (AUDC), vitamine E) selon son origine et son score, mais il vous sera toujours demandé de faire un régime et de l’exercice physique…
La perte de poids, liée à une alimentation saine (régime crétois) et à la pratique d’une activité physique (au moins 3 heures d’exercice par semaine) amène une amélioration de l’état du foie, une diminution de la stéatose et une baisse de la graisse viscérale. .Une étude espagnole (1) vue à l’EASL 2015 montre les bienfaits d’un régime et du sport (sur un an, biopsie du foie avant et après) sur la stéatose et même sur la fibrose si la perte de poids est supérieure à 10% du poids.
Pour les aventuriers, les amateurs de retour aux sources, de petites études avec le régime paléolithique font état de très bons résultats sur la stéatose du foie (et sur des maladies chroniques non curables par la médecine). Ce régime était celui de nos ancêtres du Paléolithique, il y a 40 000 ans, des chasseurs-cueilleurs. Cette diète ancestrale exclut les céréales et leurs dérivés, les légumes secs, les laitages et fromages, les sucres et le sel, parce que ces aliments n’apparaissent qu’au Néolithique, au moment de la révolution agricole (culture, élevage). Et donc, ils mangeaient des viandes maigres, des poissons, des fruits de mer, des fruits, des baies, des graines, des noix, des racines, des œufs d’oiseaux et des végétaux sans amidon à volonté et c’est tout !
Une étude suédoise (2) a montré qu’en 5 semaines, ce régime paléolithique avait permis une perte de poids, une réduction de 49% des graisses du foie et une amélioration de nombreux paramètres (tension, cholestérol, résistance à l’insuline).
Une étude américaine (3) portait sur 18 volontaires obèses avec une stéatose hépatique, qui ont suivi pendant deux semaines soit un régime hypocalorique, soit un régime paléolithique sans glucides. Le régime hypocalorique a permis de réduire de 42% le niveau des graisses du foie, et le régime paléolithique a entraîné une baisse de la graisse hépatique de 55%.
Bon, c’est vrai que ça paraît dur au pays de la baguette et du camenbert…mais sur une durée de temps limitée, et en reprenant de meilleures habitudes alimentaires ensuite, c’est jouable. Nous consommons souvent trop de féculents, trop de sucre et de sel et pas assez de légumes, considérés comme une simple garniture des plats de viandes et souvent remplacés par des frites.
- Consultation de diététique :
Un(e) diététicien(ne), de l’hôpital ou en ville, peut établir un plan individualisé de repas qui répondra à vos besoins nutritionnels et déterminer si vous avez besoin de suppléments de vitamines. Un apport de vitamines et de minéraux peut être utile pour prévenir des carences associées à un faible apport, aux perturbations métaboliques dues à la maladie du foie ou aux effets des médicaments. Ces suppléments doivent être déterminés par une évaluation individuelle. Un excès de certaines vitamines peut être nocif pour le foie (la vitamine A en surdose).Ces consultations sont encore plus utiles en cas de complications de la cirrhose, de diabète, de stéatose, ainsi qu’en cas de perte de poids, de diarrhées, de perte d’appétit, de rétention d’eau et de nécessité d’un régime à faible teneur en sel.
Marianne L’Hénaff
Références Etudes stéatose :
(1) Vilar-Gomez E, Calzadilla L et al. Weightlossintensityisstronglyassociated to improvement of histologicalparameters in patients withnonalcoholicsteatohepatitisafter 52 weeks of lifestyle modification. Abstract 0042, EASL 2015, Vienne.
(2) Ryberg M. A Palaeolithic-type diet causes strong tissue-specificeffects on ectopic fat deposition in obese postmenopausalwomen. J Intern Med. 2013 Feb 15.
(3) Browning JD, Baker JA et al. Short-termweightloss and hepatictriglyceridereduction: evidence of a metabolicadvantagewithdietary carbohydrate restriction. Am J Clin Nutr. 2011 Mar 2. PubMed PMID: 21367948.
Le régime crétois ou méditerranéen
- Légumes et salades vertes dont roquette (à chaque repas), fruits (2 à 3/jour), féculents (pain complet, pâtes, semoule, riz brun, quinoa, sarrasin, une sorte à chaque repas), produits laitiers (fromages et yaourts, si possible de chèvre ou brebis, laits fermentés), légumes secs (lentilles, haricots, pois chiches dont on peut ôter la peau une fois cuits), viandes blanches et volailles maigres (3 fois par semaine), viande rouge (1 fois par semaine), poissons (2 à 3 fois par semaine), œufs (en substitut de la viande, 3 à 4 fois/semaine), fruits secs et oléagineux (figues, dattes, abricots, raisins, amandes, noisettes, noix, olives), corps gras de bonne qualité, huile d’olive vierge (oméga 6) et huile de colza (oméga 3), 2 c à soupe/jour.
- Le tout accompagné d’exercice physique (ex : cinq fois 30 minutes minimum de marche assez rapide par semaine ou vélo, danse, etc.)
- Et le moins possible d’aliments transformés, moins de fritures, moins de plats en sauce tout prêts, moins de sucreries, pas de sodas à gogo et pas d’alcool pour protéger le foie…Le régime crétois est équilibré en protéines, en acides gras essentiels, en vitamines, minéraux et antioxydants et il respecte les saisons pour les fruits et légumes.
- Le régime crétois est encensé pour la prévention cardio-vasculaire (des infarctus, des AVC), du diabète et des cancers.
- Il contient beaucoup de fruits et de légumes (frais ou surgelés), leurs antioxydants combattent les radicaux libres et leurs fibres ont une action anti-cancer et anti-diabète, en ralentissant l’absorption des glucides lents des céréales; ils sont riches en vitamine A (pissenlit, épinard, carotte, patate douce), en vitamine C (orange, citron, goyave, persil, kiwis, poivron, brocoli), en vitamine E (avocat, plein de « bon » gras); mangez au moins un légume vert foncé et un légume orangé-rouge chaque jour.
- Pour les céréales, les flocons d’avoine, faciles à préparer le matin (micro-ondes) et à digérer, ainsi que le quinoa, le millet, le sarrasin, le riz brun et le riz sauvage. Les pains complets et les pâtes de blé complet ou de sarrasin sont plus nutritifs que le pain blanc et contiennent plus de fibres, de protéines, de minéraux et de vitamines.
- Les viandes et protéines : consommer souvent des substituts de la viande, tels que des légumineuses (lentilles, haricots secs, fèves, les plus digestes étant les lentilles corail sans peau) ou du tofu. Il suffit de manger 80 gr de viande, poisson ou volaille, ou un bol de lentilles cuites, ou 120 gr de tofu ou 2 œufs, ou 120 gr de jambon ou 100 gr de feta, ou 200 gr de fromage blanc, ou 200 gr de quinoa cuit pour avoir une portion de 20 gr de protéines.
Il est important de consommer au moins deux portions de poisson par semaine, en privilégiant le hareng, le maquereau, les sardines, le saumon et la truite (riches en oméga 3). Les viandes et substituts fournissent des protéines, du fer, zinc, magnésium et des vitamines B. Les viandes maigres (bœuf, veau, lapin) sont à privilégier, (rôtis, biftecks, filet, escalopes) ainsi que les volailles maigres (poulet, dinde), sans la peau.
- Les huiles végétales: Les huiles de colza, noix et soja sont riches en acides gras insaturés oméga 3, tandis que les oméga 6 sont majoritaires dans les huiles d’olive, arachide et tournesol. Il faut varier les huiles, ou les mélanger pour avoir les deux types d’oméga (le must : mélange à parts égales d’huile d’olive et de colza), et de ne pas trop les chauffer, et en consommer 2 cuillérées à soupe/jour. L’idéal est de cuire les légumes à la vapeur ou à l’étouffée et de rajouter l’huile après dans l’assiette.
- Evitez les aliments trop riches en gras et en sucres rapides (les gâteaux, les sucreries, et tout ce qui est transformé : les plats industriels tout prêts, les nuggets, les fritures, les sodas, le fast-food, bref tout ce qui constitue la junkfood doit être limitée, et réservée aux extra ..
De toute façon, cette nourriture industrielle n’apporte que peu de protéines, trop de sucres rapides, trop de mauvaises graisses saturées, et beaucoup trop de sel. Faites vos gâteaux vous-même ou choisissez les plus « naturels », les tartes aux fruits.
- L’apport calorique doit être adapté à l’état nutritionnel, au poids, à la taille, à l’activité physique, sans excès, réparti sur l’ensemble de la journée.